Consommation et enjeux de la filière vin et spiritueux
La consommation de vin dans le monde et en France
Les données actuelles que l’on doit prendre avec beaucoup de précaution compte tenu d’une désorganisation des circuits de distribution durant cette période parlent d’une consommation mondiale de vin estimée en 2020 à 234 Miohl, marquant une baisse de 3% par rapport à 2019. Compte tenu du contexte de la pandémie cette baisse de 7 Miohl est considéré comme modérée même si elle recouvre certainement d’importantes disparités.
Ainsi en France le niveau de consommation est quasiment identique à celui de 2019 avec 24,7 Miohl. Idem pour l’Allemagne avec 19.8 Miohl. Le Royaume Uni bien que ne faisant plus partie de l’Union Européenne reste un grand consommateur avec une consommation estimée en 2020 à 13,3 Miohl (+2,2% /2019). C’est l’Italie qui enregistre la plus forte hausse de consommation de la zone euro (+ 7.5%) ; avec 24,5 Miohl de vin consommé ; elle conserve ainsi sa quatrième place mondiale.
A contrario, l’Espagne accuse la plus forte baisse de consommation sur l’année 2020 ( -6,8% par rapport à 2019) soit 9,6 Miohl. Les diminutions sont observées dans la plupart des pays européens : Portugal (4,6 Miohl, -0,6% /2019), la Roumanie (3,8 Miohl, -1,9% /2019), la Belgique (2,6 Miohl, – 3,1% /2019), la Suède (2,2 Miohl, -2,3% /2019) et la Hongrie (1,9 Miohl, -10,2% /2019). Ces chiffres contribuent à pointer la baisse régulière constatée ces cinq dernières années.
Malgré le COVID les USA conserve la première place pour la consommation de vin au niveau mondial : 33,0 Miohl en 2020, un volume quasiment identique à celui observé en 2019.
Les pays d’Amérique du Sud ont également vu leur consommation augmenter en 2020 par rapport à l’année précédente. Par exemple +18.5 % au Brésil (4,3 Miohl) et + 6.5 % en Argentine (9,4 Miohl).
Les plus fortes baisses sont enregistrées en Afrique du Sud (3,1 Miolh avec une baisse de 19,4% par rapport à 2019), en Chine (12,4 Miohl avec une baisse de 17,4%), et en Australie (5,7 Miohl avec une baisse de 3,7%).
La consommation de spiritueux dans le monde et en France
Dans le domaine des spiritueux, la crise sanitaire n’a guère changé les habitudes de consommation – bien qu’elle ait contribué à l’envol de la mixologie à travers les apéritifs en live – En effet, en raison du maintien dans la plupart des pays des points de vente de proximité, la consommation de spiritueux a mieux résisté à la baisse que le vin et ne serait que de – 6%. Toutefois, il y a une grande disparité selon les alcools et certains tirent mieux leur épingle du jeu, en particulier la Téquila qui devrait connaître un bond significatif des ventes dans le monde ainsi que le gin.
En France, le rhum et le whisky restent toujours très bien orientés puisqu’ils représentent plus d’un achat sur deux et le rhum a tendance a supplanté le whisky dans l’acte d’achat ; considéré comme plus authentique, se prêtant mieux aux nouveautés recherchées par la tranche d’âge 30-40 ans. Ces derniers sont plus ouverts aux nouveaux produits comme la téquila et à la rareté comme le saké, le pisco ou encore le mezcal.
Bien que la bière ne soit pas considérée comme un spiritueux, il faut noter la forte augmentation de consommation de ce produit et particulièrement en France. La consommation moyenne européenne est estimée à 70 litres par an et par personne avec un pic pour l’Allemagne de 106 litres par an et par personne. Même si les Français ne sont pas les plus gros consommateurs de bière ; seulement 33 litres par an et par personne, le secteur de la bière explose sous l’impulsion des micros brasseries. Traditionnellement situées dans le Nord et l’Est de la France, on en trouve maintenant dans toutes les régions de France : Bretagne, Savoie Ardèche… Avec 2300 brasseries réparties en métropole et à l’outremer, la France est le 8ème producteur de bières en Europe. 70% des bières consommées en France sont produites sur notre territoire boosté par des démarches marketing audacieuses (étiquettes et emballages qui cassent les codes, soirées à thèmes, expérimentation de nouveaux goûts…) bénéficiant de l’engouement pour les produits du terroir avec une fabrication artisanale.
Les enjeux de la filière vins et spiritueux
De la nouveauté
Selon plusieurs études, la consommation de vin rebondirait plus fortement que celle des spiritueux dans les années à venir. Parmi les vins, il faut distinguer les vins tranquilles des effervescents dont la progression est largement à la hausse. On assiste également à un phénomène de premiumisation ; les ventes de vins premium devraient être plus dynamiques que les vins basiques. La jeune génération, toujours avide de nouveautés est à la recherche de produits nouveaux ou atypiques : vin orange, cuvées confidentielles voire expérimentales en goût sont recherchés.
Durant la pandémie, par désœuvrement ou par curiosité, les jeunes consommateurs ont pu tester de nouveaux produits considérés jusqu’alors comme politiquement incorrects par leurs ainés et il semblerait que cette nouvelle habitude de consommation perdure : les cocktails prêts à être dégustés (RTD présentés sous forme de canette) dont la consommation a doublé entre 2019 et 2021 (11%) sont les grands gagnants ; on attend une croissance en moyenne de 10% par an sur ces produits plébiscités par les jeunes ( 22% d’entre eux déclarent en achetait). Les hard seltzers (eaux pétillantes faiblement alcoolisées et aromatisées) connues par 33% des jeunes ou encore les boissons sans alcool (No Low) devraient être des tendances lourdes de consommation.
La famille No Low devient une tendance durable chez les consommateurs et particulièrement parmi la nouvelle génération, sensibilisée grâce à un savant mélange de marketing et de campagnes de santé publique, aux nouveaux enjeux environnementaux de la planète.
Le concept du « désalcoolisé » ou sans alcool existe depuis plusieurs décennies dans le vin et prend de plus en plus de part de marchés. La bière s’est emparée avec succès de tous ses codes mais la tendance est encore balbutiante dans les spiritueux et se heurte à ce jour à des problèmes gustatifs- à l’exception de quelques offres dans le gin-
Notons toutefois que les mocktails (cocktails sans alcool) ont trouvé une large place dans les bars et magasins spécialisés et que les ventes de produits dit No Low font une percée extraordinaire aux USA rendant possible une hybridation de la consommation (produits nouveaux et lieux différents) jugée impassable il y a encore quelques années. Etiquette originale, cannette nouvelle génération, saveurs exotiques ou atypiques, le markéting est à l’œuvre dans la filière pour satisfaire les exigences des nouveaux consommateurs. Cours de marketing de l’ISV
Du naturel
Les études marketing apportent sans cesse un éclairage aux entreprises pour répondre aux tendances sociétales voire les anticiper dans l’acte d’achat d’une bouteille. Ainsi, selon une enquête IPSOS pour le baromètre « Whisky Live Paris » si le prix reste un critère important dans le choix d’un vin ou d’un alcool pour 86% des consommateurs, de nouveaux critères entrent en ligne de compte tels que la qualité, l’origine, les conditions de production avec une dimension écologique et écoresponsable très marquée. (enquête IPSOS publiée dans HS V&N nov 2021).
Les changements sont palpables même si la consommation de vin est bien ancrée dans le mode de vie et de consommation des Français comme le démontre une étude menée par l’IFOP pour le compte de Vin et Société auprès de plus de 5000 personnes. Les résultats de ce sondage mettent en évidence les rouages de ce lien particulier qu’ont les Français avec le vin. Quel que soit leurs habitudes alimentaires, du traditionnel au végan, plus de 7 français sur 10 disent consommer du vin et considèrent que le vin est associé au plaisir de la table et au plaisir d’être ensemble. Si les Français ont un attachement culturel au vin, ils sont également sensibles aux évolutions et nouveaux enjeux sociétaux.
Le bio est le grand gagnant de ces changements de mentalité. La vague verte touche particulièrement les vins et les Français sont les plus grands consommateurs européens de vins bio : selon une enquête publiée par IPSOS pour Millésime Bio 54% déclarent en avoir déjà dégusté contre 29% pour les Britanniques et 33% pour les Allemands. Avec un mode de production engagé depuis de nombreuses années dans le bio, les Français ont une offre importante et diversifiée et ont intégré le bio dans la consommation de vin régulière ou occasionnelle. C’est en France que la part de vins bio a le plus progressé en six ans (enquête IPSOS oct 2021 pour l’observatoire Millésime Bio). Les jeunes de moins de 35 ans sont les plus réceptifs au concept écologique car ils sont 46% à avoir consommé des vins bio contre 38% pour les plus de 55 ans. Grâce au développement des vins portant le label AB (intégré par 36% des français) en grande surface et à la multiplication des magasins spécialisés type Biocoop, La vie Claire… la vente des vins bio s’affirme comme une tendance à long terme ainsi que les vins certifiés « nature » ou « sans sulfites ajoutés » auprès d’une clientèle de plus en plus soucieuse de sa santé ou des causes environnementales.
Le label blanc et vert n’est plus le seul recherché ; les consommateurs et plus particulièrement les jeunes ont un réel intérêt pour les labels éco-responsables : HVE, Terra Vitis, Demeter…synonymes de qualité et de responsabilité éco-responsable. La filière a entamé depuis plusieurs années des démarches de restructuration des cultures et s’engage dans des communications transparentes pour répondre aux nouvelles exigences des consommateurs sensibles à leurs santé et aux grandes causes environnementales.
Car le vin, en plus d’être bio et sain, doit être éthique. Pour satisfaire une clientèle en quête de sens de nouveaux critères doivent être pris en compte : le poids du verre est étudié pour réduire l’empreinte carbone, l’encre utilisée doit être naturelle, le bouchon de canne à sucre apprécié, l’entreprise doit être engagée dans une démarche RSE ou éco-responsable. Pour inciter l’acte d’achat, il faut désormais afficher une certaine responsabilité vis-à-vis des grandes causes environnementales et sociétales.
On achète différemment
Les confinements successifs ont permis l’accélération de 2 tendances apparemment contradictoires concernant l’acte d’achat mais qui se révèlent complémentaires. Si plus de 70% des vins et spiritueux sont achetés en grandes surfaces, on assiste depuis quelques années à un bouleversement des comportements d’achats grâce à l’émergence d’internet renforcé par la crise sanitaire. Mais la fermeture des bars et des restaurants a conforté le besoin de convivialité et le désir de se retrouver dans des lieux chaleureux et authentiques.
En 2021, 19% des achats de spiritueux sont effectués en ligne. Les plateformes de vente en ligne se multiplient, les domaines offrent leur propre boutique en ligne et s’affichent sur les réseaux sociaux : Facebook, Instagram Linkedin font partie des nouveausx outils des vignerons.La révolution numérique est en marche et multiplie les innovations : services, conseils, tutots, blog, appels aux célébrités et aux influenceurs à limage d’Emile Coddens reçu à l’ISV qui fait partager sa passion de vignerons à des milliers de jeunes sur TikTok. Il y en a pour tous les goûts et pour tous les niveaux : apprentissage de la dégustation, découverte des terroirs de France te du monde, ceux qui créent des passerelles originales avec l’art ou ceux qui se positionnent sur les savoirs faire. Le digital est devenu incontournable pour la filière vin et spiritueux, riche en contenu et complexe à mettre à place nécessitant de vrais compétences techniques.
Mais cette tendance dynamique n’a pas nui à la vente physique, au contraire. 4 français sur dix estime être plus sensible au circuit direct depuis le début de l’épidémie. En effet, la multiplication des magasins spécialisés comme les cavistes s’est accrue ces deux dernières années : 26% des consommateurs plébiscitent l’achat chez un caviste pour les conseils et la convivialité.
Parallèlement, on se rend de plus en plus chez le vigneron ou l’on retrouve l’authenticité et les informations techniques liées à la production. On privilégie le local qui donne un pouvoir d’achat plus important aux producteurs et limite l’impact environnemental des transports. Il faut dire que les domaines rivalisent depuis quelques années pour attirer une clientèle plus exigeante et la fidéliser. L’oenotourisme est en plein essor et offre une palette de services et d’évènements de plus en plus qualitatifs. Dans ce domaine également, il faut faire preuve d’imagination, trouver des idées originales, nouer des partenariats et s’ouvrir vers de nouveaux horizons, faire du spiritourisme par exemple.
La grande distribution a flairé le danger car elle fait preuve de créativité pour capter des acheteurs qui ont tendance à s’en éloigner et proposer de nouvelles expériences sensorielles : décoration recherchée, cave à bières ou à cocktails, des tireuses voire des friteuses…
Sources : vin et société – V&S News